A la rencontre de la laïcité
Les 6 et 7 octobre dernier, nous étions 9 à vouloir rencontrer l'animation et plus précisément l'animation laïque à Gaillac : il y avait Florian, Loïc, Livio, Adrien, Marie, Janice, Christine, Alexia et moi.
On l'a pas mal cherchée, questionnée, théorisée, mais on l'a aussi jouée, débattue, ironisée... et au final je crois bien qu'on l'a trouvée....
Bon, concrètement, comment on s'y est pris...
Ben, d'abord, on a joué aux définitions de la laïcité : les notres, celle des éclés (En affirmant le respect fondamental de l’homme dans sa diversité, lutter contre toute forme de discrimination et d’intolérance, c’est le choix de la laïcité), celle du dictionnaire (1. Principe de séparation d’un côté de l’État et de la société civile et de l’autre de la religion et des institutions religieuses. 2. Caractère de neutralité religieuse d’un établissement d’instruction ou d’assistance, d’une loi, d’une institution). On les a comparées, débattues...
On s'est dit : « mais alors, qu'est-ce que la non-laïcité ? », est-ce que c'est affirmer le non respect fondamental de l'homme dans sa diversité, accepter et défendre toute forme de discrimination et d'intolérance ? Du coup, on s'est dit « être non laïque, c'est pas cool ».
On s'est dit qu'on parlerait pas du voile et des régimes spéciaux... mais on en a forcément parlé.
L'évolution de la laïcité aux (E)EDF au fil des temps...
On a observé l'évolution de comment était définie la laïcité aux EEDF au fil des temps... et on s'est rendu compte que ça avait bien évolué entre 1930 où on se défendait d'être laïque en justifiant le fait qu'on avait quand même une morale et qu'on éduquait au « bien » et aujourd'hui où on utilise notre laïcité pour se défendre de l'image du vieu scoutisme « oui oui, on est scout.... mais bon on est laïque ! », en passant par 1983 où on avait une définition très politique et active de notre laïcité.
La laïcité EEDF au fil des temps dans les textes ...
Le Chef – janvier-février 1925
Allocution de M. Kergomard : Scoutisme laïque et Ecole unique :
« […] Alors qu'ailleurs d'autres associations de toutes sortes enrégimentent leurs membres pour une opinion politique ou autre, nous, nous sommes des laïques, c'est-à-dire des hommes qui, par-dessus leurs opinions religieuses et politiques, voulons réunir tous les jeunes gens. Nous sommes des éducateurs. […] Nous désirons une « école unique » en ce sens que nous voudrions que tous les enfants passassent une partir de leur vie, ne serait-ce qu'un an, sur les mêmes bancs, que ces distinctions de classes sociales, que cet esprit de particularisme bourgeois, -ouvrier aussi peut-être- qui chez nous sépare les hommes, empêche la fusion de petites cellules sans collaboration et sans communication des unes avec les autres, nous voudrions que pendant quelques années cela disparût et qu'une véritable fraternité régnât dans l'éducation des enfants français. Voilà ce que nous rêvons, nous autres, membres de l'enseignement public. Voilà ce que nous faisons dans la mesure de nos possibilités avec les enfants que les familles veulent bien nous confier et voilà ce que nous, Eclaireurs, nous faisons aussi. Je parle, comme membre de l'enseignement public et comme éclaireur et je dis que si je suis éclaireur -honoraire, il est vrai, mais profondément éclaireur- c'est parce que je suis membre de l'enseignement laïque que je désire que dans cet enseignement pénètre plus intimement l'esprit du Scoutisme. Car il ne suffit pas d'être « laïque », de prononcer ce terme et d'affirmer cette espèce d'égalité et d'unité de pensée, cette cordialité dans les rapports entre jeunes gens et enfants se retrouvant sur les mêmes bancs : il faut aussi qu'un véritable esprit de fraternité pénètre dans les rapports entre les jeunes gens et les maîtres. »
Le Chef – juillet-août 1930
Grand Jeu de la Pentecôte (il s'agit de l'organisation d'un rassemblement)
« […] Services religieux (apparaît comme titre au même titre que transports, tour de service, nourriture ou couchage) :
Pour les Eclaireurs catholiques : messe à l'église de Cormery le dimanche de la Pentecôte, à 7h30. - Rassemblement à 7h. 1.4.
Pour les Eclaireurs protestants : le culte aura lieu à la même heure au camp.
Pour les Eclaireurs libres-penseurs : causerie morale sera faite également à la même heure et au camp. »
Le Chef – Septembre 1930
A travers les Revues
« L'ACTION LAIQUE, n°634. Qu'est-ce que l'Ecole Laïque ? J. de Visme
Elle a pour but de préparer les enfants à devenir des hommes aptes à remplir leurs devoirs de citoyen, aimant le bien, épris de liberté, d'égalité, de justice. Elle leur inculque l'amour de la famille, de la Patrie, de l'Humanité, le respect des lois et des institutions républicaines du pays. (Inutile de dire que, pour les jeunes filles, des soins spéciaux leur sont réservés).
L'Ecole laïque n'est pas athée ; elle n'est pas anti-religieuse ; elle pratique scrupuleusement la tolérance, la neutralité à l'égard de toutes les croyances : elle n'enseigne aucune religion mais n'en combat aucune. Elle est l'affirmation même de la liberté de conscience. Elle respecte toutes les convictions ; aussi, elle entend être respectée elle-même.
Dans certains milieux, on l'appelle : « Ecole sans Dieu », parce que les ministres es cultes n'y dominent pas ; c'est faux, puisque Dieu est partout, et, notamment, partout où l'on fait le bien ; or, à l'école laïque, on enseigne le bien : l'ordre, le travail, le courage, la franchise, la bonté, le dévouement... ; on flétrit le mal : la paresse, le désordre, le mensonge, l'hypocrisie, l'égoïsme... Ce n'est pas, non plus, une « école indifférente » puisqu'elle a son idéal, qui est de former des hommes sains de corps et d'esprit, à l'intelligence ouverte, au cœur bon et généreux, remplissant tous leurs devoirs envers eux-mêmes et envers autrui. »
« mais concrètement, comment est-ce qu'on fait vivre cette valeur sur nos activités ? »
On s'est dit « mais concrètement, comment est-ce qu'on fait vivre cette valeur sur nos activités ? »... On a eu quelques idées... et puis on s'est dit que les autres participants à Tremplin devaient en avoir aussi... donc on les a interviewés, et on en a profité pour les faire débattre entre eux... en temps informel (entre midi et 2) puis formel (veillée de rencontre de l'animation laïque) où on s'est dit qu'on allait partager nos questionnements avec tout le monde autour de débats méthodiquement différents.
Ce qui est ressorti des interviews en vrac
Concernant la définition
- On ne fait pas vivre la laïcité dans nos activités, on dit juste qu'on accepte tout le monde... mais je suis pas sûre que la laïcité, ce soit juste "accueillir tout le monde"
- C'est une grande question...
- ça se confond des fois avec la coéducation
- Beaucoup de gens confondent laïque et athée
- C'est le respect des cultes, c'est permettre à chacun de vivre son culte
Concernant la mise en oeuvre
- On pourrait en parler, en temps formel et en informel... Par exemple, on pourrait comparer les différentes religions sans jugement et dans le respect
- Peut-être par des jeux ?
- On en parle en début d'année quand on fait la présentation des valeurs éclés
- Il nous arrive de faire des week-ends dans un couvent, du coup la discussion sur la laïcité vient en informel avec les enfants
- On peut faire des débats, des ateliers philo
- Dans l'idéal, il faudrait travailler sur l'individualisation de l'accueil au regard des valeurs du groupe
- Des temps philo / spirituels
- Consciemment, on ne la fait pas vivre.
- Dans l'idéal, je sais pas... dans la diversité du public qu'on accueille, dans cette rencontre-là, par la cohésion d'un groupe qui vient d'univers et de cultures différents
- C'est une valeur ancrée dans les éclés, on l'a toujours en tête et elle est en filigrane dans tous les jeux, par le respect des autres. A nous d'être vigilants sur le fait qu'elle soit respectée.
- C'est sous-jacent à toutes nos activités
- On la fait pas vivre, on dit juste qu'on accepte tout le monde...
- C'est une excellente question, mais vu la somme de problèmes à gérer, à mon niveau, ce n'est actuellement pas une question que je me pose
- C'est l'acceptation de tous les enfants sans regarder la situation de la famille (pas qu'au niveau religieux)
- On ne travaille pas dessus réellement, on est sur, concrètement, la réalisation du projet. On l'a en tête mais on n'arrive pas à le faire vivre.
- On en a parlé en équipe de groupe dans une discussion autour d'un partenariat éventuel avec les SGDF
- Je vais bouffer (merci Anatis de ta contribution !)
- On essaie d'accepter tout le monde, on essaie que tout le monde trouve sa place. La laïcité, c'est pas qu'accepter mais aussi intégrer... et l'ouverture, ça se construit.
- On la vit dans l'informel. C'est plus une démarche individuelle.
- En soutenant des associations caritatives humanitaires laïques
- C'est un sujet qu'on n'aborde jamais : les définitions sont tellement différentes qu'on se perd.
- On ne doit pas aborder la religion aux éclés.
- On doit laisser pratiquer ceux qui le souhaitent
- Ok pour laisser pratiquer, mais pas le proposer
- On ne doit pas accepter de signes ostentatoires
- On ne doit pas accepter de prosélytisme autour d'une religion quelconque
- On ne sait pas faire d'activités sur la laïcité
- On fait plein d'activités autour de la laïcité mais on ne le sait pas : les débats, l'exploration autour de soi, ...
- On peut aborder des sujets d'éthique sans passer par une entrée religieuse
- Il faudrait supprimer les termes : "Toussaint - Pentecôte - Noël - Pâques - Ascension"
- On peut créer des rituels laïques : imaginaire, cadre symbolique, remise de foulard, engagement... totémisation !
- A travers la discussion, le dialogue
- Par des jeux : on pourrait faire un time's up sur les valeurs EEDF ou alors des mîmes et jeux théâtraux
- Par la mise en place de repas spécifiques répondant aux régimes alimentaires
- Par la possibilité de vivre son culte mais en refusant les signes ostentatoires
- Appartenir à un groupe implique de suivre les règles du groupe
- C'est une excellente question. Merci de l'avoir posée. Question suivante s'il vous plaît.
- Quelles que soient nos convictions, on peut vivre ensemble.
- En faisant découvrir toutes les religions d'un oeil objectif, pour savoir comment ça marche. Peut-être que les enfants pourraient expliquer aux autres leur religion avec leur mot
- On pourrait mettre en scène les différentes religions
- Expliquer pourquoi notre pays est laïque
- Dans mon parcours aux éclés, j'ai déjà vécu des temps de débats généraux mais jamais autour de la laïcité
- Je n'ai jamais vécu d'activité sur la laïcité
- Par la reconnaissance du droit de blasphème aux EEDF
- En amont, par le questionnement quasi systématique de "comment va-t-on aborder la laïcité?"
- J'ai déjà vécu des moments informels : pas de différence et de distinction entre les enfants... mais on ne l'abordait pas vraiment formellement.
- Je n'ai pas d'idée concrète pour mettre en oeuvre la laïcité... Je manque de clés, d'arguments.
- En en parlant, par des débats, des jeux sur la culture (les service civique sur l'école ont mis en place l'an dernier une journée sur l'interculturalité sur la découverte de cultures, par des repas notamment)
- On peut aussi faire un jeu de compétition sur les guerres de religion (cf proposition d'Alexandra)
- En acceptant tout le monde
- Par la rencontre sur nos activités d'autres mouvements scouts confessionnels
- Par une soirée "Cultures" : mettre en lumière les différents préjugés puis en discuter et casser les stéréotypes
- Utilisation de l'imaginaire : jeu sur les différences
- Trivial Poursuite des religions
Sur l'idée de mettre l'accent sur la laïcité
- * Je suis contre mettre l'accent là-dessus car ça met l'accent sur les différences, ce qui risque de créer conflits et problèmes
- Le mot "laïcité" est axé sur la religion... C'est un mot historique qui n'a pas forcément de sens.
- On peut facilement dériver sur de l'anti religion
- "tolérance" est un terme condescendant
- Le débat sur la laïcité est un débat de société qui dépasse l'action des EEDF
- C'est un débat d'adultes, pas d'enfants.
- Travailler la laïcité avec les enfants peut remettre en cause la religion de la maison.
- Ce n'est pas les croyances qui posent problèmes mais les manières de vivre, les pratiques.
- C'est intéressant de se poser la question du sens. Par "respect de la différence", on est plus dans le "vivre ensemble"
- Désolée, mais j'ai décroché
- Peur de communiquer son "anti religion" aux gosses car c'est aux parents de choisir.
- On ne peut pas aller contre l'éducation des parents
Des questions qui sortent...
- Peut-on dire aux enfants que le Père Noël n'existe pas ?
- Peut-on permettre aux enfants / aux respos de faire le ramadan sur un camp ? (non on avait dit qu'on n'en parlait pas !!!)
- Peut-on dire ses convictions politiques/religieuses aux enfants ?Peut-on parler d'objectivité politique ?
Ce qui est ressorti des débats du soir
Peut-on dire aux lutins que le père noël n'existe pas ? (débat autogéré)
Peut-on reconnaître le droit de blasphème aux EEDF ? (débat tabou : interdiction de prononcer les mots religion-tolérance-culte-spiritualité-croyances sinon tu passes ton tour)
Que serait la laïcité dans un monde sans religion (bocal à poissons)
Match impro
Dire que "la religion relève de la sphère privée" ne revient-il pas à l'interdire ? (méthode démocratique de débat)
La laïcité en mîmes
Se confronter aux discours les plus provocateurs anti laïques
En guise de conclusion...
Et puis on a fini la soirée autour d'un verre, de crêpes (merci le moot!), d'histoires, de débats (encore!)... mais on s'est dit que ç'avait été chouette et que peut-être aux prochaines rencontres, on pourrait partir rencontrer une autre valeur... avec tous ceux qui voudront bien nous rejoindre !
Mais d'ici là, à chacun d'entre nous de faire vivre cette page, d'y ajouter ses recherches, questionnements, blasphèmes, théorisations etc...
On compte sur vous et sur toi !