5. les pirates, les Etats, les lois
« Des hommes sans patrie ».
Les pirates sont des hors-la-loi particuliers : ils ne sont pas sur le territoire d'un Etat, et se comportent comme des "hommes sans patrie". QUand on leur demande d'où ils viennent, ils répondent souvent "des mers".
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En ce sens, ils sont « un défi aux nations », et ce n’est pas le moindre de leur crime : les observateurs de l’époque sont particulièrement choqués du fait que les pirates ne respectent aucune nationalité de navires, attaquent n'importe quel navire, y compris ceux des pays dont ils sont issus. Mieux, ils en jouent : « chaque bateau pirate digne de ce nom possède un jeu complet de drapeaux nationaux à bord pour berner les proies potentielles », ce qui leur permet d'approcher des autres bateax, ou bien de loin, de berner les navires militaires en se faisant passer pour des équipages respectables. Ils ne se sentent liés par aucune loi nationale. En retour, ils n’ont le soutien d’aucun pays (contrairement aux corsaires).
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Un exemple particulièrement parlant est celui d’Hornigold, un ancien corsaire au service de la couronne britannique, devenu pirate. Du fait de son passé britannique, il a refusé d'attaquer un navire anglais : son équipage s'est mutiné et retourné contre lui, ne supportant pas qu'on épargne un bateau du fait de sa nationalité.
« La mer adonné à des gens crasseux et désespérés une chance exceptionnelle : ils peuvent échapper à l’autorité légitime ».
De fait, la vie en mer éloigne les pirates de l’emprise étatique. En effet, les Etats possèdent, via leurs empires coloniaux, « d’immenses portions de territoires éloignées les unes des autres », et ils ne sont pas en capacité de contrôler correctement les routes maritimes qu’empruntent les navires de commerce. Un juriste de l’époque explique « le pouvoir de la terre s’arrête exactement à l’endroit où s’achève la puissance des armes », et notamment la portée des canons, et conclut « le vaste océan ne peut être possédé ».
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De plus, cet éloignement des autorités « donne de la force aux pirates : la mer crée une distance qui n’est pas que géographique, c’est un territoire inhospitalier pour les principales institutions (Eglise, famille et travail) qui organisent la vie ». Difficile par exemple pour les églises de contrôler ou réprimander certains comportements quand ils ont lieu au milieu de l'Atlantique. Cela est vrai pour tous les marins, pas que les pirates : la vie en mer sépare de la société pendant de longues périodes, et conduit à développer « une culture du travail distincte, avec son propre langage, ses rituels, et un sens particulier de la fraternité ». L’assise de la fraternité pirate est celle de la vie commune en mer.
Les lois contre la piraterie
Mais si les pirates se moquent des Etats, la réciproque n’est pas vraie! Compte tenu de leur impact sur le commerce, et de l’inspiration qu’il génèrent dans les populations cotières, les pirates font l’objet de nombreuses lois. Une des premières est celle de 1698, sur la "suppression efficace de la piraterie". Il y en aura de nombreuses autres.
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La piraterie a même contribuer à faire évoluer les pratiques juridiques : en 1715, la loi britannique les concernant est la première loi transocéanique, qui s’applique dans l’ensemble des territoires contrôlés par la Grande-Bretagne. Les tribunaux estiment à partir de 1700 que les juges anglais auront pouvoir de juridiction partout, sur toute personne portant tort au commerce britannique (ce qui est à l'inverse des logiques juridiques habituelles). La piraterie force aussi des empires rivaux à coopérer militairement !
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Globalement, les lois anti-piraterie sont des lois de répression : la piraterie est un crime passible de mort, et même plus: ce crime est progressivement étendu à celui qui refuse de défendre son navire pendant une attaque pirate! A l’inverse, des pensions sont attribuées à ceux blessés en défendant des bateaux marchants contre des pirates.
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Jusqu’en 1720, les lois alternent entre repression et périodes d’amnistie : en proposant le pardon temporairement, les autorités essaient d’endiguer le développement de la piraterie. Mais dans les faits, si de nombreux pirates se rendent, c'est juste le temps d’obtenir un "certificat d’aministie" qu’ils pourront utiliser plus tard. Ils remontent ensuite sur leurs bateaux.
A partir de 1720, l’impact sur le commerce est tel que c’est la répression à grande échelle qui devient la règle : la force redevient donc utilisée sous deux formes : « une surveillance navale plus vigilante, et un nombre encore plus important d’exécutions spectaculaire ». On parlera donc la semaine prochaine du rapport des pirates à la justice.