La prise en otage de l'AG
- C'est une sombre histoire qui a bien mis à mal la démocratie dans notre association que je me devais de vous relater. Voici les faits.
Dans la nuit de samedi à dimanche, un petit groupe de « lutins facétieux »1 a chamboulé le « bel ordonnancement »1 des chaises. La veille encore, la salle était disposée de façon rigoureuse : les chaises bien alignées les unes avec les autres, formant des rangées ; les rangées les unes devant les autres formant des allées ; le tout orienté vers l'estrade où se tenait la tribune et vers l'écran ou défilait les informations importantes. On était bien, à notre place, on savait ce qu'on devait regarder et qui on devait écouter. La démocratie pouvait fonctionner sans accros.
- Mais voilà, le dimanche matin à 9h, alors que l'on se pressait, un café à la main, pour retrouver notre place et suivre le déroulé de l'AG, tout avait changé !
Rendez-vous compte : le « bel ordonnancement »1 rectiligne avait laissé place à un cercle plus ou moins ovale de chaises sur plusieurs rangées. Comment s'y retrouver ? Plus de limites, le regard qui se perd dans la multitude des personnes présentes autour de moi et, ultime coup, la tribune qui n'est plus là…
- Le pire dans cette affaire c'est que ces petits lutins aient pu se permettre lors d'une AG, symbole de la vie démocratique, d'agir de façon aussi personnelle, imposant la volonté d'un petit groupe à tous. Une personne à réussi trouver les mots justes : « on a été pris en otage ». Oui, oui, en otage ! Comme ces personnes qui se retrouvent privés de leurs libertés, soumise à la main de leur bourreau. Tout pareil. Le débat s'amorce alors entre explications, critiques et blagues partisanes de la part du meneur. Figurez-vous qu'à un moment du débat on a même frôlé le ridicule : un participant (jeune, délégué de SLA pour la première fois à l'AG) a soumis l'idée saugrenue que l'on pourrait voter cette disposition ! Les sifflets ont retenti, mettant fin à son discours. Espérons que ceux-ci aient réussi à calmer les ardeurs démocratiques de ce jeune ! Heureusement la situation s'est dénouée lorsque quelqu'un de sérieux (un homme, ayant des responsabilités nationales) a pris les choses en main et a eu l'idée salvatrice de proposer de voter cette disposition. Tout le monde a acquiescé. Merci à lui ! Nous avons donc pu voter, après que les scrutateurs se soient entendus pour réorganiser leur scrutation. 43 personnes se sont prononcées pour laisser la salle en l'état, 97 pour la remettre dans un « bel ordonnancement » et 17 se sont abstenues.
Lecteurs, prenez donc garde à ceux qui bougent les chaises, et voudraient ainsi nous faire tomber dans l'ivresse démocratique2.
(1) Paroles empruntés à la personne qui a mené ce temps sur « les chaises ».
(2) terme emprunté à Alain Minc, qui, dans son ouvrage du même nom, propose à un futur Président de la République de '« dominer l’ivresse démocratique qui nous guette et qui, insidieusement, commence à s’emparer de nos esprits »'.
« Féroce candeur des majorités au pouvoir… Ah ! Les tenants d'une norme, et quelle qu'elle soit […]. Comme ils se rétractent dès qu'ils flairent l'incompréhensible, les gardiens de la norme, comme ils se vivent en résistants alors, on les jurerait seuls face à un complot universel ! Cette peur d'être menacé par ce qui sort du moule… Ah, la férocité du puissant quand il joue les victimes ! [...] Comme ils deviennent dangereux, ceux qui ont compris les codes, face à ceux qui ne le possèdent pas !
- Daniel Pennac, Chagrin d'école
Laura