6. les pirates et la justice
Les procès
Sur la base des lois sur la piraterie qui se multiplient, de nombreux procès ont lieu : ils sont souvent publiquement mis en scène par les autorités comme une manière de dissuader les populations de rejoindre ou de sympathiser avec les pirates. En effet, les populations des côtes sont en relation avec les pirates, pour acheter les cargaisons, les accueillir dans les tavernes et bordels, et surtout, troquer ou vendre des renseignements sur les mouvements en mer.
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Face aux juges, l’attitude des pirates est variable : une partie des pirates tente le coup de la rédemption, certains acceptent de jurer que « il faut faire preuve envers les puissants du respect qui leur est du, rester à sa place et à son rang », mais peu obtiennent le pardon. Mais de nombreux autres refusent absolument de se renier, se comportent devant les tribunaux « avec la plus grande impudence ». Ils jurent, se moquent du tribunal, font l'éloge de leur mode de vie, etc. L’un est ainsi rapporté pour avoir demandé au moment du verdict un verre de vin pour « boire à la damnation du gouvernement et au désordre dans les colonies ».
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L’issue des procès est fréquemment la pendaison : de fait, celles-ci auront lieu dans tous les villes cotières des deux côtés de l’Atlantique : à Londres, à Edimbourg, au Brésil, à Antigua, a Kingston, à New york, à Boston… Elles sont mises en scène de façon spectaculaire, et très souvent, les cadavres sont ensuite exposés à la vue de tous, voire transportés de ville en ville, s’agissant d’ un « spectacle profitable et utile » aux yeux des autorités. Alors qu'il était très fréquent à l'époque de gracier ou réduire la peine des condamnés par décision royale, très peu de pirates verront leur peine capitale transformée en emprisonnement.
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Les pirates sont assez lucides sur le sort qui leur est réservé : en témoigne une pièce écrite par des pirates lors d’une longue escale à terre, et qui a ensuite beaucoup circulé, pour finir par être publiée à Londres. Elle s’appelle « Pour se moquer de la magistrature en se jugeant les uns les autres pour piraterie ». Elle met en scène un tribunal, avec juges, procureurs, et pirates, ceux-ci finissant condamnés à mort. Le juge y prononce par exemple cette phrase : « tu dois souffrir pour trois raisons. Premièrement, il n’est pas bon que je sois juge et que personne ne soit pendu. Deuxièmement, tu dois être pendu parce que tu as une damné tête de pendu. Et troisièmement, tu dois être pendu parce que j’ai faim : sache-le, c’est une coutume : si le dîner du juge est près avant la fin du procès, le prisonnier doit être pendu. Il n’y a pas de loi pour toi ». C’est donc une parodie du système légal anglais, que les pirates connaissent bien, dont le but est de montrer que pour la pendaison est décidée d’avance, qu’il n‘y a pas de justice et que le tribunal est une machine de mort.
« Rendre justice aux marins »
Si la justice anglaise n’enthousiasme pas les pirates, ils se réclame pourtant fortement de cet idéal entre eux.
Une pratique coutumière est celle de la « distribution de justice » : quand un navire est pris, les pirates interrogent officiellement les marins de l'équipage pour connaître la manière dont leur capitaine et leurs officiers les traitent. La réponse décide largement du sort fait au capitaine et au navire : de nombreux capitaines seront sur cette base violemment traités, puis sommairement exécutés. Mais des capitaines sont aussi épargnés quand l'équipage témoigne qu'ils respectent les marins : l’un d’entre eux explique : « ils me prétendent qu’une des raisons de leurs vilenie est de rendre justice aux marins ». Le rapport d’une distribution de justice expose ainsi : « considérant le comportement courtois du capitaine et le bon caractère dont il a fait preuve envers ses hommes, nous décidons que c’est un gars honnête et de le laisser vivre en lui octroyant un navire de remplacement » car le sien a été endommagé pendant la bataille. Cette coutume est si répandue que certains capitaines marchands quittent la profession pour éviter de tomber entre leurs mains, notamment lorsque leur équipage est partiellement devenu pirate et qu’ils ne souhaitent pas les recroiser.
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Loin de leur image de bandits sans morale, les pirates se considèrent globalement comme des « gars honnêtes », mais animés d'une soif de justice: la référence à Robin des Bois, figure déjà légendaire en Angleterre, existe sur les bateaux. Le pirate Charles Bellamy, au moment de son exécution, dit par exemple à son bourreau : « maudit sois-tu, tu n’es qu’un lâche, comme le sont tous ceux qui acceptent d’être gouvernés par les lois que les hommes riches ont rédigées afin d’assurer leur propre sécurité. Ils nous font passer pour des bandits, ces scélérats, alors qu’il n’y a qu’une différence entre eux et nous. Ils volent les pauvres sous couverts de la la loi, tandis que nous pillons les riches sous la protection de notre seul courage ».
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Les pirates rendent justice aux marins qu’ils croisent, et à ceux qu’ils ont été : s’ils ont droit à la liberté et aux richesse, c’est parce qu’ils ont été avant maltraités. Etre pirate est une manière d’obtenir justice, voire vengeance (de nombreux bateaux pirate portent d’ailleurs le mot « vengeance » dans leur nom). Le capitaine Fly, un des derniers pirates exécuté (en 1726, il avait 27 ans), explique sur l’échaffaud : « que tous les maîtres de navire craignent de subir le sort du capitaine Green [qu’il a assassiné]. Qu’ils paient aux marins leurs salaires au moment du. Qu’ils les traitent correctement. C’est votre propre barbarie qui en a transformé autant d’entre nous en pirates ».
Interlude L'OR! (que je ne savais pas où caser)
On reproche aux pirates leur soif de richesses : c'est vrai qu'ils veulent de l'argent, mais ce n’est pas de la simple avidité : dans leur logique, l’argent permet de se construire une vie différente, mais vécue au jour le jour. De fait, la notion de trésor pirate est peu réaliste. La seule démarche de ce type connue est l'entrepot par quelques équipages de butin dans une base arrière à Madagascar en 1718. Mais pour l'essentiel : « les pirates veulent de l’or, et l’obtiennent parfois. Mais ils ne l’enterrent pas. Quand ils arrivent dans un port, leur premier souci est de trouver une taverne pour s’en soulager. ». Ils ne sont pas dans une logique d'accumulation.